La villa Notre-Dame de Ligugé
1. Une prise de contact laborieuse.
Connaissant l’existence de la villa Notre-Dame que J.-K. Huysmans avait fait construire à Ligugé à la toute fin du XIXè siècle, j’envoie un message à la mairie dudit village afin d’avoir plus d’indications sur sa situation, son propriétaire, etc… M’est envoyée, en retour, une réponse on ne peut plus laconique : « la maison Huysmans est située rue Huysmans ».
Surpris et déçu par la compendiosité du message, j’interroge un célèbre moteur de recherche et trouve le nom d’une personne résidant, a priori, dans la rue. Je poste donc, vers cette adresse, une missive dans le but d’établir un contact. Quelques semaines plus tard, une petite carte me parvient par le même canal. Le propriétaire de la maison Huysmans, prévenu de ma démarche par une voisine, me fait savoir que la villa Notre-Dame est une demeure privée, que nulle trace de l’écrivain n’y subsiste plus depuis bien longtemps et qu’elle n’est donc pas ouverte aux visites. Dont acte ; le plus imposant vestige de l’existence de J.-K. Huysmans ne me sera jamais accessible.
J’apprends, peu de temps après, en lisant les correspondances entre l’écrivain et l’abbesse Cécile de Bruyère, que la maison est ornée d’un péristyle dont il a « établi les piliers au nom des saints les plus amis, saint Benoît, saint Martin, saint François d’Assise, sainte Radegonde, sainte Lydwyne, sainte Françoise Romaine, sainte Thérèse – en n’oubliant point saint Joseph et en gardant la place d’honneur pour la mère – Et [il] les [a] fait représenter en dehors de toute archéologie, par la symbolique des fleurs, aidée du blason » (lettre du 30 juillet 1899). Que n’avais-je fait cette découverte avant sollicitation du propriétaire ; il devient extrêmement mal venu et particulièrement cavalier de réitérer une demande de visite, même pour la façade extérieure… Tant pis, me dis-je, si l’occasion se présente un jour, j’irai voir si ces chapiteaux sont éventuellement visibles depuis la chaussée.
2. Une chaleureuse rencontre.
Je finis par me rendre à Ligugé dans le but d’observer ces fameuses pièces d’architecture. Arrivé rue Huysmans, je me rends compte que, non seulement la maison est en hauteur par rapport à la rue, mais qu’un mur d’enceinte masque partiellement le péristyle, amère déception… Mais… une personne passant dans la cour de la maison me voit me contorsionner et m’interpelle. Je lui explique être l’auteur de la demande de visite formulée quelques mois auparavant. Ladite personne me dit se renseigner et après un bref instant, le propriétaire de la maison, monsieur S., m’invite à pénétrer dans la propriété afin que je puisse photographier les chapiteaux. Mes images obtenues, nous échangeons autour de J.-K. Huysmans, de sa vie à Ligugé, de la maison, et, alors que je ne m’y attendais pas du tout, monsieur S. me propose de visiter l’intérieur de sa demeure ! Les huysmansiens sauront que le rez-de-chaussée était habité par le couple Leclaire, l’étage par l’écrivain. Quelle insigne émotion que celle qui m’étreignit quand je pénétrai dans ce qui fut sa chambre et particulièrement son bureau, pièces communicantes à l’époque, murées depuis. Surtout ce cabinet de travail, dont subsiste quelques photographies d’époque nous montrant des murs couverts de lourds volumes, pièce dont l’usage a été conservé à l‘heure actuelle. Ce bureau, duquel J.-K. Huysmans avait vue sur le monastère Saint-Martin qu’il rejoignait plusieurs fois par jour afin d’assister consciencieusement aux offices, alors qu’il écrivait son hagiographie, Sainte-Lydwine de Schiedam.
Si, en plus d’un siècle, les propriétaires s’y sont succédé et nonobstant l’idée qu’ « il n'[y] reste rien et l’on chercherait en vain son souvenir » (Maurice Garçon, D’un prompt oubli, BSH n° 21, 1949), j’affirme que l’âme de J.-K. Huysmans plane toujours dans les aîtres de cette villa.